LA MEDECINE DU TRAVAIL
A. INTRODUCTION AU DROIT MEDICAL
Celui dont les hommes attendent une protection contre la souffrance et contre la mort, le médecin, fait l’objet d’un droit fort ancien. Il y a quatre mille ans, le Code d’Hammourabi consacrait déjà trois articles au médecin et au chirurgien (on assimilera ici les deux professions). Aujourd’hui, le droit médical est si complexe et si multiforme qu’on n’en connaît plus les limites.
Le droit gouverne à la fois le médecin indépendant, celui qui travaille en clinique, celui qui est employé d’une entreprise ou d’un établissement et le fonctionnaire. Dans le droit médical, on inclut normalement le statut des différentes professions soignantes et des auxiliaires médicaux.
L’activité médicale peut être « libre » ou « socialisée ». Mais, dans les pays mêmes où le malade choisit en toute liberté son médecin, L’état s’efforce d’assurer à tous la possibilité d’obtenir des soins compétents : il crée des hôpitaux et des dispensaires ; il rembourse, au moins pour partie, les honoraires médicaux, qu’il contrôle ; de plus, il rend obligatoires des vaccinations et exige des entreprises qu’elles aient un service médical du travail. De leur côté, les médecins « libres » travaillent couramment dans le cadre de cliniques ou en « groupe » : ils passent des contrats de collaboration ou de remplacement, cèdent leur cabinet ; l’intervention chirurgicale est normalement le fait d’une équipe. Ainsi, tant dans le cadre social ou public que dans le cadre privé, l’exercice de la médecine est de plus en plus collectif, ce qui crée entre tous les participants des liens juridiques délicats à démêler.
Au médecin, L’état impose les obligations les plus variées, parfois un peu contradictoires. Il exige de lui des déclarations en matière d’état civil et de maladies contagieuses, mais aussi le respect absolu du secret professionnel. Il attend de lui qu’il isole de la société les malades mentaux, mais qu’il ne retienne aucun malade inutilement. En cas de faute, d’erreur ou parfois d’inaction, il ajoute le risque de sanctions pénales à la responsabilité civile et aux sanctions disciplinaires qui déjà pèsent sur le médecin.
De cet ensemble compliqué et qui touche à tout (droit des contrats et des délits, droit du travail et sécurité sociale, droit des hôpitaux et de la santé publique), on ne retiendra que les points les plus importants.
Les fondements de l’organisation professionnelle et de la déontologie
En France, le droit médical est, pour une assez large part, codifié. On le trouve dans le Code de la santé publique, promulgué par un décret du 5 octobre 1953 et plusieurs fois amendé, ainsi que dans des Codes de déontologie relatifs aux diverses professions médicales (pour les médecins : décret du 28 juin 1979). L’adaptation éventuelle du droit aux nouvelles possibilités de la science est confiée aux recommandations du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, créé par le décret du 23 février 1983. La profession médicale est législativement organisée.
Une certaine codification est également intervenue en Allemagne de l’Ouest, où la Chambre fédérale des médecins, bénéficiaire d’une délégation de pouvoir réglementaire, a promulgué en 1956 un Code de déontologie qui s’applique à l’ensemble du territoire. De même, en Italie, l’exercice de la profession est réglementé par un décret de 1946 et par un Code de déontologie élaboré par la Fédération nationale des Ordres. La situation est différente en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas : les lois y ont institué des Ordres, mais ceux-ci n’exercent leur pouvoir disciplinaire que sur le fondement des usages et de leur propre jurisprudence.
La médecine est socialisée dans les pays de l’Europe de l’Est, et aussi, dans une large mesure, en Angleterre. En Suède, le citoyen peut s’adresser soit au médecin de son choix, soit, pour un honoraire très modique, aux services médicaux et chirurgicaux de l’hôpital de la commune. Aux Etats-Unis, l’organisation professionnelle est essentiellement le fait des médecins eux-mêmes, groupés au sein de l’American Medical Association, bien que des lois assurent l’assistance médicale aux citoyens les plus pauvres.
Parmi les devoirs que la société impose au médecin, celui de respecter le secret professionnel est probablement l’un de ceux qui créent le plus de problèmes.
Les tribunaux civils et administratifs déclarent que le devoir de secret, destiné à permettre au patient de se confier sans réserve, est général et absolu et qu’il n’appartient à personne d’en affranchir le médecin, pas même au patient dont, dans certaines hypothèses, la réticence deviendrait un aveu (s’il avait le pouvoir de délier le praticien et ne le faisait pas, on présumerait en effet que c’est par peur de ce que celui-ci dirait). Ce devoir pourtant est rendu moins strict par le Code lui-même qui excepte « les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ». Les lois prévoient des exceptions au secret en matière de maladies épidémiques ou contagieuses, de déclarations d’état civil, de contrôle de la sécurité sociale. La pratique admet que le médecin délivre à son client, à la requête de ce dernier, des certificats, attestations ou documents destinés à exprimer les constatations médicales faites sur sa personne. Le médecin nommé expert par le tribunal doit évidemment rendre compte à celui-ci de l’accomplissement de sa mission. Malgré l’affirmation du caractère absolu du secret, celui-ci comporte donc bien des nuances.
Responsabilité civile
Les problèmes de responsabilité médicale soulèvent souvent des discussions passionnées. Une véritable « guerre froide », a-t-on dit en République fédérale, oppose juristes et médecins, ces derniers se plaignant d’être incompris des premiers.
Sur le plan civil, la faute constitue le fondement et, en principe, le critère de la responsabilité du médecin : le médecin qui a commis une faute doit réparer le dommage qui en résulte ; le médecin qui n’en a pas commis n’est pas responsable des résultats vains et fâcheux de son intervention. Partout, on admet que c’est à celui qui se plaint d’une faute médicale qu’il appartient d’en apporter la preuve.
En France, toute erreur de diagnostic ou de traitement est considérée comme une faute, dès lors qu’elle aurait pu être évitée avec plus de science, plus d’attention ou plus de précautions. En principe, les tribunaux appliquent les mêmes critères de jugement à tous les médecins, sans indulgence à l’égard du jeune sans expérience non plus qu’à l’égard du vieux médecin de bourgade. L’importance des intérêts en jeu leur fait exiger de tous des soins « consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises (ou actuelles) de la science ». Etre spécialiste impose des connaissances particulières, mais ne dispense pas du savoir des généralistes. Le médecin est également responsable de son matériel et de ses préposés. Parfois, lorsqu’il n’est pas possible d’établir avec précision la responsabilité de chacun, celle d’une équipe médicale est retenue. Parfois aussi on admet, contrairement au principe affirmé, qu’un certain résultat du traitement ou de l’intervention est si anormal qu’il prouve qu’une faute a été commise, même si celle-ci ne peut être déterminée.
Si le droit belge semble, dans son aboutissement du moins, très proche du droit français, le droit italien est certainement plus indulgent. De l’article 2236 du Code civil italien tel que l’interprète la Cour de cassation, il résulte que, dans les cas difficiles, le praticien ne répondra que d’une faute grave.
En Europe, c’est en Allemagne fédérale que les tribunaux sont les plus sévères. On exige du médecin qu’il sache tout, qu’il contrôle son diagnostic par tous les moyens possibles, qu’il réponde de ses aides et assistants, même dans la spécialité de ceux-ci et pour chacun de leurs gestes. On présume sa faute si son intervention a entraîné un dommage qui typiquement relève de la faute professionnelle.
L’Angleterre est restée plus fidèle à une notion plus exacte de faute. Les tribunaux attendent du médecin qu’il fasse preuve d’une bonne compétence et d’une habileté raisonnable, non qu’il possède la formation la plus poussée et qu’il soit au courant de toutes les recherches. Cependant, la responsabilité du fait du matériel, des préposés ou de l’équipe se développe.
L’évolution est plus évidente encore aux Etats-Unis. Depuis les années 1960, les actions en responsabilité, qui se sont multipliées dans des proportions considérables, sont de plus en plus fréquemment accueillies par des juges de plus en plus sévères.
Le domaine médical est même celui où s’est fait le plus vite et le plus vivement ressentir ce qu’on a appelé « la crise » de la responsabilité civile, crise marquée par un accroissement considérable des primes d’assurance ou même le refus d’assurance et, de la part des médecins, une médecine « défensive » multipliant les examens avant d’entreprendre un traitement et allant parfois jusqu’à l’abandon de certaines activités (obstétrique) où les litiges sont trop fréquents.
Dans tous les pays qui viennent d’être considérés, on admet aussi, à partir de données théoriques diverses, que le médecin ne doit entreprendre aucun traitement ni aucune intervention sans le consentement suffisamment éclairé de son patient, ou de la famille si le patient lui-même est hors d’état de donner son consentement. Il y a là un aspect fondamental du respect de la personne humaine. On devine toutes les difficultés que soulève l’application du principe : le blessé de la route peut requérir des soins immédiats, même s’il est inconscient ; le chirurgien qui découvre la nécessité absolue d’une ablation non prévue ne peut pas toujours, sur le plan médical, arrêter l’opération, puis attendre que le malade, ayant donné un consentement qu’il ne peut pas refuser s’il est sain d’esprit, reprenne des forces suffisantes pour affronter une seconde opération. Qu’est-ce, d’autre part, qu’un consentement suffisamment éclairé ? Le médecin doit-il faire au patient un cours magistral et l’avertir de tous les risques qu’implique le traitement ? Dans l’ensemble, les tribunaux paraissent résoudre toutes ces questions d’une manière assez raisonnable, reconnaissant ici la complexité de la tâche du praticien.
Responsabilité pénale
Les tribunaux civils ne sont pas les seuls qui menacent le médecin : celui-ci est parfois appelé à comparaître devant un tribunal répressif.
Exceptionnellement, il peut l’être du seul fait qu’il est intervenu, notamment chirurgicalement. N’a-t-il pas, ce faisant, porté volontairement atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui ? Comme le reproche serait le plus souvent inadmissible, on admet que la loi elle-même l’autorise tacitement à agir. Encore faut-il qu’il agisse pour remplir sa mission. On a condamné en France un médecin qui avait, sur leur demande, stérilisé des jeunes gens sans raisons socialement légitimes. On s’était demandé, autour de 1920, si l’on pouvait admettre dans son principe la chirurgie à but esthétique.
Mais, surtout, le médecin est l’objet de textes réprimant le fait d’avoir involontairement causé la mort, des blessures ou des maladies par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements. Ces textes sont tellement larges que tout traitement malheureux pourrait conduire le médecin devant un tribunal répressif. En fait, les poursuites sont rares, sans doute parce que les parties elles-mêmes désirent plus être indemnisées que clouer au pilori un homme dont elles savent bien qu’il est faillible. Il n’empêche que toute erreur commise par le médecin, dès lors qu’elle met en jeu sa responsabilité civile (et l’on a vu combien facilement cette condition était remplie), pourrait aussi entraîner sa responsabilité pénale.
Ce qui irrite le plus les praticiens est l’application qui leur est éventuellement faite des textes réprimant la non-assistance à une personne en danger. Le médecin doit-il se rendre, de jour comme de nuit et sans retard, à tout endroit où on l’appelle ? On comprend que la chose n’est pas possible, qu’il renvoie parfois le requérant à un confrère, ou ne lui accorde sa visite qu’après un certain délai. Il arrive que le malade en meure. Les tribunaux doivent alors rechercher si le médecin a failli à son devoir. Tout est question d’espèce, mais les tribunaux, qui voient les résultats fâcheux de la décision, ont tendance à une sévérité que ne comprennent pas ceux qui, constamment, sont appelés à prendre des décisions comparables.
Evolution de la déontologie médicale
La déontologie médicale traite des devoirs professionnels des médecins. Le « père » en serait Hippocrate, et son serment, la référence ultime. Au Moyen Age, la déontologie suit les préceptes ecclésiaux ; à la Renaissance, elle reflète les aspirations humanistes de l’époque. Au siècle des Lumières, l’accent est mis sur les droits de l’individu, donc sur le devoir pour le médecin de ne rien révéler des confidences du malade. C’est le XIXe siècle qui fait revivre le serment d’Hippocrate. Mis au goût du jour, il légitime, à la fin du siècle, la déontologie que les syndicats médicaux, enfin officiels, demandent à leurs adhérents d’observer.
Le manquement à la déontologie, constaté par un « conseil de famille » syndical, justifie une sanction : elle ne peut être que théorique. C’est la création de l’ordre des médecins (dans certains pays) qui permet la publication d’un décret portant Code de déontologie. Les dispositions du code s’imposent désormais à tout médecin, sous peine d’éventuelles poursuites disciplinaires. Ce code reprend, outre le respect impératif du secret médical, des préceptes traditionnels, notamment en matière d’information (« un pronostic grave peut être dissimulé ») ou de consentement du malade (jugé incapable, du fait de son émotivité, d’un choix lucide).
Ce Code de déontologie ne peut, en effet, comporter de disposition contraire aux lois du pays. Les changements d’ordre social, l’évolution des mentalités, la révolution médicale scientifique et technique de ces dernières décennies influencent chaque rédaction du décret portant Code de déontologie.
Le Code Français de 1979 reflète cette évolution, puisque les devoirs vis-à-vis des malades sont proclamés dès le début, et notamment :
le respect de la personne et de sa dignité ;
l’interdiction de cautionner, serait-ce par une présence médicale, toute atteinte à l’intégrité ou à la dignité d’une personne privée de liberté ;
les devoirs de tout médecin en matière de santé publique.
Ainsi, tout au long de son évolution, la déontologie s’est appuyée sur un patrimoine moral constant : celui d’une civilisation respectant la liberté, l’individu et sa dignité, ainsi que la vie humaine. Dans le droit-fil du serment d’Hippocrate ou de la prière de Maimonide : « Ô Dieu, éloigne de moi l’idée que je peux tout ! »
B. LA MEDECINE DU TRAVAIL
La médecine du travail s’inscrit dans le cadre plus général des actions préventives qui contribuent au maintien de la bonne santé et de l’hygiène de la population, telles que les vaccinations systématiques ou le dépistage de certaines maladies (tuberculose, cancer). Elle a vocation de veiller à la bonne santé de l’homme au travail. Les progrès de l’industrialisation qui mettent sur le marché des biens de consommation en nombre croissant, ainsi que la création d’équipements collectifs, contribuent à l’élévation progressive du niveau de vie du citoyen. Mais les moyens techniques mis en œuvre et les méthodes de production créent des dangers nouveaux pour la santé du travailleur : le machinisme industriel et agricole comporte des risques d’accidents ; l’utilisation et la manipulation de produits chimiques impliquent des risques d’intoxications ; les rythmes de travail excessifs, les normes de production mal étudiées sont générateurs de fatigues ; les difficultés mal surmontées de la vie sociale et professionnelle sont à l’origine de certaines névroses de travail.
1. LES ORIGINES HISTORIQUES
Les origines de la médecine du travail remontent à la fin du XVIIe siècle. Un médecin italien, B. Ramazzini, professeur à l’université de Modène, publie en 1701 un Essai sur les maladies des artisans , suivi d’un supplément (1713). Il décrit de façon très précise les symptômes d’un grand nombre d’affections liées à l’exercice de professions très variées, telles que celle de plâtrier, de doreur, de carrier, de chaudronnier, de confiseur, et s’attache à fournir les moyens de guérir et de prévenir ces maladies.
Dispositions législatives
Les premiers textes de loi concernant la prévention des accidents dans les entreprises datent de la fin du XIXe siècle. La création d’un corps d’inspecteurs du travail en 1874 est reprise dans une loi de 1892. En 1898, la loi sur la « réparation des accidents du travail » institue la gratuité des soins, l’indemnité journalière et le droit à la réparation. La Première Guerre mondiale ravive l’intérêt pour le travail professionnel. Les besoins de l’armement exigent la mobilisation de la main-d’œuvre et la réadaptation des blessés. Les initiatives resteront limitées jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. En 1940 seulement sont publiées, en France, des recommandations sur l’organisation des services médicaux dans certaines entreprises. Leur mise en place est rendue obligatoire par une loi de 1942. Mais il faut attendre la loi du 11 octobre 1946, préparée notamment par H. Desoille, pour que soit imposée à toutes les entreprises l’organisation de services médicaux du travail sous le contrôle de l’état. Les dispositions de cette loi sont étendues aux mines (1959), aux travaux agricoles (1966) et aux entreprises des départements d’outre-mer (1966).
2. L’ORGANISATION
Les médecins du travail
Les grandes entreprises justifient l’activité d’un médecin à plein temps; elles sont tenues d’avoir un service autonome de médecine du travail. Celui-ci est implanté dans des locaux de l’entreprise qui font office d’infirmerie, où sont groupés les moyens de secours en cas d’accident. Le médecin du travail dépend de la direction de l’entreprise dont il est le salarié. Exerçant à plein temps, le médecin joue un rôle important par les rapports fréquents qu’il a avec le personnel, par la bonne connaissance des méthodes de production, des postes de travail et des risques professionnels propres à l’entreprise.
Les entreprises de plus petite dimension font appel à des services médicaux interentreprises ( en Algérie : au secteur sanitaire) qui mettent à leur disposition des locaux et du personnel médical et technique, dans certains cas le cabinet médical se rendant sur place pour les visites. Les services interentreprises dans certains pays développés emploient des médecins à plein temps ou à temps partiel ; les contrats de service sont établis avec les entreprises regroupées par région ou par profession (bâtiment, par exemple). Les médecins des services interentreprises jouissent d’une indépendance totale vis-à-vis des entreprises contractantes, mais ils connaissent moins bien leurs nuisances particulières.
La France comptait, en 1983, un peu plus de 6 000 médecins du travail, dont la moitié exerce à temps plein. Un enseignement de médecine du travail existe dans toutes les facultés de médecine. Il est dispensé à tous les futurs médecins, dont certains suivent ensuite un enseignement spécialisé d’un an conduisant au « certificat de médecine du travail et d’hygiène industrielle ». La possession de ce certificat est obligatoire pour exercer la médecine du travail à plein temps. Les candidats reçoivent un enseignement poussé sur les maladies professionnelles, la toxicologie, l’étude des postes et la psychologie du travail. Certains se spécialisent ultérieurement en ergonomie.
Des instituts de médecine du travail ont été créés dans les facultés pour regrouper les personnels enseignants et de recherche. Les sociétés regroupent les médecins du travail en exercice et maintiennent un enseignement postuniversitaire. Les services médicaux interentreprises les plus importants organisent la formation permanente de leurs médecins. Lorsque le nombre de ceux-ci est suffisant, une spécialisation de certains d’entre eux devient possible.
3. ROLE DU MEDECIN DU TRAVAIL
Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif : il s’agit d’éviter que le salarié, du fait de son activité rémunérée, ne soit victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, ou ne reste soumis à cette activité, alors qu’il souffre d’une affection générale qui diminue momentanément son aptitude physique ; il est le conseiller du chef d’entreprise. Après maladie ou accident, le salarié doit pouvoir être reclassé dans son entreprise. L’action du médecin du travail s’exerce au cours des visites médicales et lors des visites d’atelier ou de bureau.
Les visites médicales
Chaque salarié fait l’objet d’une visite médicale d’embauche , durant la période d’essai, afin de déterminer s’il n’est pas atteint d’affection dangereuse pour les autres salariés, s’il est médicalement apte au travail envisagé, quels sont les postes auxquels il peut être affecté ; des examens complémentaires peuvent être demandés lorsque les postes de travail comportent un risque particulier (radiations ionisantes, benzène, plomb, amiante, silice). À l’issue de cette visite, le médecin trace le profil d’aptitude du candidat. Il peut être amené à déclarer une inaptitude totale (en cas de maladies graves constatées) ou partielle (infirmités mineures, daltonisme, surdité, anosmie). Le personnel embauché est réexaminé : visites annuelles . Une surveillance plus fréquente avec tenue d’un registre est obligatoire lorsqu’il y a exposition à certains toxiques (radiations ionisantes, plomb, etc.). Après arrêt de travail prolongé, quelle qu’en soit la raison, le salarié est soumis à une visite de reprise . Le médecin du travail est tenu au secret professionnel, comme tout médecin, sauf en ce qui concerne les maladies professionnelles qu’il est tenu de déclarer. Ces déclarations sont d’ailleurs plutôt favorables aux intéressés, puisqu’elles ouvrent droit à réparation. Une des difficultés rencontrées par le médecin du travail est la déclaration d’inaptitude temporaire ou définitive, pour raison médicale, cet acte engageant la vie sociale de l’employé. Il prend une décision en fonction de l’examen clinique et d’épreuves complémentaires d’aptitude physique. Une déclaration d’inaptitude entraînant un refus d’embauche, une diminution de salaire ou un licenciement ne peut être faite que pour des raisons très graves. Une autre difficulté tient au reclassement de sujets restant handicapés après accident.
L’action dans les ateliers
Le médecin de travail doit consacrer un tiers de son temps à la visite des locaux de travail. Il acquiert ainsi une bonne connaissance des postes de travail et des conditions d’ambiance, qui permet une bonne collaboration avec les ingénieurs de sécurité dans la lutte contre les accidents de travail et les maladies professionnelles.
Le médecin tente également d’adapter les conditions de travail à l’homme, collaborant pour cela avec les ingénieurs et les organisateurs du travail. Cette action peut aboutir à une modification des composantes de dimension, d’ambiance et de rythme du poste de travail, tenant compte de la physiologie humaine.
L’action du médecin du travail peut être capitale au sein de l’entreprise ; garant de la santé du salarié, il contribue à son éducation sur le plan de l’hygiène générale et de la sécurité : application des règles ergonomiques, concernant le travail sur écran, acceptation des moyens de protection individuelle contre les nuisances du travail, etc. ; il fait partie du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.H.S.C.T. créé en 1982 dans les entreprises de plus de 50 salariés) CHS (en Algérie).
4. LA MEDECINE DU TRAVAIL DANS LE MONDE
La médecine du travail s’est développée dans tous les pays industrialisés, mais suivant des modalités différentes. Précurseur en la matière, la France a su, tout en conservant une pratique libérale de la médecine de soins, instituer une médecine du travail obligatoire qui garantit au médecin une indépendance technique et morale vis-à-vis des entreprises.
La loi française de 1946 a inspiré l’organisation de la médecine du travail dans les pays qui faisaient partie du Marché commun, un effort d’harmonisation avait été fait. Les Pays-Bas (1962) et la Belgique (1968) ont pris, après la France, des dispositions rendant obligatoires les services médicaux du travail et ont créé un enseignement de médecine du travail, laquelle est reconnue comme une spécialité.
Le retard dans la législation a diverses causes : répartition des pouvoirs entre la confédération et les cantons (Suisse) ; rapports difficiles à établir avec la médecine de soin lorsqu’elle est nationalisée (pour la Grande-Bretagne, la surveillance est effectuée par les infirmières) ; hostilité à une intervention autoritaire des pouvoirs publics (Etats-Unis).
Des services médicaux du travail ont cependant été créés dans toutes les grandes entreprises (en Allemagne, les industries à risques sont très surveillées), parfois en dehors de toute législation (Italie), car leur action est reconnue comme un facteur de réussite dans la compétition économique. La médecine du travail résulte de la libre entreprise industrielle ou de l’initiative universitaire ; il en résulte que les fonctions du médecin du travail sont très inégales. L’Union européenne laisse chaque pays libre de choisir sa législation.
Dans les pays socialistes (ancienne Allemagne de l’Est, République tchèque et Slovaquie, ex-U.R.S.S.), la médecine du travail n’est qu’une forme un peu spéciale de la médecine générale. La médecine de soins est gratuite, exercée soit par des médecins, soit par des feltschers (officiers de santé). Au sein des entreprises, le médecin du travail assure la surveillance de la santé des travailleurs, les soins aux accidentés, le traitement des maladies professionnelles. La médecine du travail y est une spécialité reconnue après diverses modalités de formation. L’exercice de la médecine du travail intègre à la fois la prévention, le traitement et la réadaptation fonctionnelle au sein de dispensaires, de sanatoriums de nuit et de polycliniques. Des médecins hygiénistes s’occupent plus particulièrement des conditions de travail et de leur amélioration.
5. MALADIES PROFESSIONNELLES
Les maladies professionnelles sont des affections auxquelles les législations des pays évolués, pour les différencier des accidents du travail, reconnaissent des conditions spécifiques. Ces conditions sont les suivantes : d’une part, le travailleur doit être exposé habituellement au risque incriminé, et ses manifestations apparaître dans des délais déterminés : l’employeur est obligé de déclarer tout procédé susceptible d’être une cause morbide ; d’autre part, pour simplifier les déclarations nécessaires et limiter les contestations, une présomption d’origine a été établie pour un certain nombre d’entre elles, écartant l’établissement de la preuve et la déclaration des cas par l’employeur. Des tableaux officiels, indicatifs pour la plupart et limitatifs pour certains, sont établis à cet effet. Ils forment deux catégories, propres aux professions non agricoles et agricoles, en fonction de différences concernant les modalités de réglementation.
Couverture des soins
Pour l’ensemble des intéressés, qu’il y ait ou non arrêt de travail, la couverture des soins comporte la prise en charge totale des frais (médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitaliers), des appareillages et accessoires nécessaires, des transports éventuels, etc.
Indemnisation
En premier lieu, une indemnité journalière proportionnelle au salaire (donc pour les seuls salariés) est due pendant la période d’incapacité temporaire ou au cours des travaux réduits autorisés pour favoriser l’évolution. En deuxième lieu, une rente est allouée aux victimes, en fonction de l’invalidité partielle permanente (I.P.P.) reconnue par l’examen médical, après la guérison ou du moins la consolidation, c’est-à-dire après l’arrêt de tout processus morbide, évolutif. Son taux doit tenir compte de la nature des séquelles pathologiques, de l’âge, de l’état général, des aptitudes physiques et mentales, de la qualification professionnelle, éventuellement du changement professionnel nécessaire. Plusieurs syndromes morbides ne sont pas additifs mais doivent donner lieu à un taux global. Les soins sont suspendus pour les rentiers viagers, sauf, en cas de rechute, pour l’appareillage, et dans quelques cas particuliers. En cas de décès, une rente est allouée aux ayants droit de la victime.
Prévention
La prévention des maladies professionnelles revêt une importance capitale, par sa dimension humaine et économique.
C’est le Code du travail qui réglemente la prévention, sous le contrôle des inspecteurs du travail et avec la participation des services médicaux du travail là où ils existent, ainsi que des comités d’hygiène et de sécurité des entreprises. Par ailleurs, la Sécurité sociale module les cotisations patronales en fonction des mesures de sécurité prises.
L’éducation générale de tous les travailleurs, et spécialement celle de certaines catégories plus exposées, est, avec le développement des mesures techniques de protection adaptées aux divers risques, le moyen primordial pour assurer au mieux la protection de leur santé. Celle-ci est en effet de plus en plus compromise par le nombre croissant des éléments toxiques nouveaux employés dans l’industrie ainsi que par le brassage des produits mondiaux de tout ordre et la persistance d’infections végétales et animales.