Quelques éléments pour une meilleure compréhension du
paysage
Une carte géologique présente sur un fond de carte
topographique, une série de taches de couleurs différentes et de dimensions
plus ou moins grandes. Chacune de ces couleurs correspond à une roche
affleurant en surface telle que le calcaire, les marnes, l’argile le sable, le
granite, le micaschiste, le basalte, la phonolite, le trachyte…. En fait ces
roches ne sont pas immédiatement visibles ; leur surface est altérée et forme
la terre végétale. Souvent un décapage est nécessaire pour connaître la
roche sous-jacente. La géologie est donc une science de devinette permanente :
dans un paysage couvert de végétation, les points d’observation sont rares,
en dehors de travaux humains le plus souvent très transitoires. Une carrière
représente toujours un accès exceptionnel à la troisième dimension, elle
conduit à une leçon d’anatomie du sous-sol.
Une carte géologique est caractérisée par son échelle : 1
:50.000 ; c’est le rapport entre la distance séparant deux objets figurés
sur la carte et leur distance réelle sur le terrain. La carte permet de
retrouver l’histoire de la région.
La zone du Nord Cantal est constituée de deux types de
formations : un socle ancien sur lequel s’est édifiée une formation
volcanique. Cette double structure a ensuite été modelée par les rivières et
les glaciers. Les terrains anciens sont bien visibles dans le Nord Cantal, en
particulier dans les vallées lorsque l’érosion a été suffisante pour
déblayer la formation volcanique superficielle. Ces terrains anciens
appartiennent à deux catégories : les roches métamorphiques et les granites.
C’est en réalité la même transformation qui conduit aux roches
métamorphiques puis aux granites. Les premières correspondent à une
transformation partielle d’anciennes roches sédimentaires sous l’action d’une
augmentation de pression et de température et donnent des micaschistes et des
gneiss ; les secondes se forment lorsque la transformation est assez intense
pour permettre la fusion des roches métamorphiques. Les granites de notre
région ont un âge de 300 millions d’années.
Au cours de l’époque tertiaire (il y a approximativement
30 millions d’années) des fossés d’effondrement et des lacs se forment ;
ils sont rapidement remplis de sédiments. A partir du milieu du tertiaire (- 10
à -12 millions d’années) le volcan du Cantal s’édifie ; son histoire
principale se termine vers -3 millions d’années par la formation des coulées
de basalte qui constituent les planèzes. Cet ensemble des Monts du Cantal
constitue avec 35 km de rayon et 800 à 1000m de hauteur, l’un des plus grands
volcans d’Europe. Ce massif est ensuite modelé par l’érosion fluviatile et
l’action des glaciers qui va faire apparaître la morphologie actuelle ; la
période la plus récente de l’action glaciaire se situe entre 12000 et 15000
ans. Les glaciers occupaient une surface importante et constituaient une
coupole, dont l’épaisseur prête à discussion. Cette coupole (inlandsis)
masquait le relief sous jacent.
Cette histoire rapide peut être retrouvée sur la carte
géologique de la région. Malheureusement, une partie importante de la vallée
de la Sumène, la commune de Vebret est située en bordure de document, sur la
carte de Riom-ès-Montagnes dans l’angle supérieur gauche. Pour avoir une
idée plus précise de l’environnement il est nécessaire d’utiliser les
trois cartes voisines : La Tour d’Auvergne, Bort-les-Orgues et Mauriac. Les
angles intéressants de ces quatre cartes au 1/50.000 du BRGM ont été
juxtaposés pour former une surface équivalente à une feuille de format
21x29,7 présentée dans l’illustration du découpage géologique.
(Autorisation du BRGM n° W01/17.Ed). Cette juxtaposition a été réalisée en
mettant en continuité les routes principales. Elle n’est pas parfaite et les
différences entre deux cartes voisines témoignent d’un degré d’élaboration
différent ce qui est normal compte tenu de la date d’édition des cartes :
Riom-ès-Montagnes : 1972 ; Bort : 1988 ; Mauriac 1989 ; La Tour d’Auvergne :
1990 .
Figure 1. Découpage géologique du secteur Nord-Cantal à
partir de différentes cartes. Extraits des cartes géologiques 1/50.000, avec
les dates d’édition respectives, de Riom-ès- Montagnes n°764, Bort Les
Orgues n°739, Mauriac n° 763, La Tour d’Auvergne n°740. N° d’autorisation
W01/17.ED, Editions du BRGM.
Pour bien comprendre la carte géologique, quelques notions
sur les roches sont nécessaires. Les géologues classent les roches en trois
grandes familles.
1. Roches sédimentaires : elles correspondent à l’aboutissement
de phénomènes physiques (transport et accumulation), chimiques (concentration
et précipitation comme dans le cas du sel, du gypse, de la potasse) ou
biologiques (accumulation de squelettes telles ceux des coraux, des algues, des
éponges, de vers). Les roches sédimentaires sont formées soit par transport
et accumulation et sont constituées de débris de roches après leur
altération et destruction (roches détritiques) soit par sédimentation
et accumulation de restes d’organismes souvent de petite taille nécessitant
un microscope pour les observer. Ce sont les roches biodétritiques.
Figure 2. Illustration des phénomènes d’érosion, de
transport et de sédimentation. Ces
phénomènes qui intéressent des emplacements différents, mettent ici en cause
une chaîne de montagne et un bassin océanique, mais ils se produisent aussi
entre une zone d’érosion de faible hauteur et un bassin fluvial de petite
taille (cas de la Sumène). La coupe limitée par le cadre vert, illustre la
notion de discordance : absence de continuité entre formations sédimentaires,
de part et d’autre de la surface de discordance représentée par le trait
rouge; les dépôts les plus récents s’effectuent sur un substratum
antérieurement plissé et plus ou moins érodé ; la discordance correspond à
un repos dans l’apport sédimentaire. Dessin modifié d’après le Guide de
lecture des cartes géologiques de la France au 1/50.000 par S. Debrand-Passard,
A.E. Prost & J. Goyallon, BRGM éditeur.
2. Roches magmatiques : elles se forment lors du
refroidissement de magmas fondus ou de laves prenant leur origine à des
profondeurs importantes de la terre. Les roches plutoniques ne percent pas la
croûte terrestre se mettent en place au sein d’autres roches et leur
refroidissement lent permet le développement de cristaux (exemple le granite).
Les roches volcaniques ou effusives ont la même origine que les précédentes,
mais leur parcours est plus long ; elles percent la croûte terrestre et sont
émises à l’air libre par un volcan (exemple : basalte des plateaux formant
les planèzes du Cantal).
3. Roches métamorphiques : elles résultent de la
transformation en profondeur, donc par augmentation de température et de
pression, d’autres roches enfouies lors de la formation de chaînes de
montagnes (orogenèse). Donc la roche d’origine peut être magmatique,
sédimentaire ou métamorphique Cette transformation s’accompagne d’une
cristallisation complète des minéraux et d’une déformation qui se traduit
par un débit en feuillets. Les schistes (ardoises) sont peu transformés.
Lorsque la pression et la température sont élevées, les fluides actifs
circulent, des minéraux à grains grossiers apparaissent et le gneiss se forme.
Comment utiliser une carte géologique.
Une carte géologique présente sur un fond de carte
topographique, une série de taches de couleurs différentes et de dimensions
plus ou moins grandes. Chacune de ces couleurs correspond à une roche
affleurant en surface telle que le calcaire, les marnes, l’argile le sable, le
granite, le micaschiste, le basalte, la phonolithe, le trachyte…. En fait ces
roches ne sont pas immédiatement visibles ; leur surface est altérée et forme
la terre végétale. Souvent un décapage est nécessaire pour connaître la
roche sous-jacente.
Dans les zones sédimentaires, les roches se disposent en
couches; c’est le cas par exemple dans la partie gauche de l’extrait de
carte contenant une section du bassin houiller de Champagnac qui s’est formé
à l’époque carbonifère : 300 MA. Les fonds de vallées sont aussi remplis
de sédiment plus récent (10.000-15.000 ans) liés aux actions fluviatiles et
glaciaires. En dehors de ces bassins sédimentaires, les roches, sur l’ensemble
de la carte, se présentent en massifs. La topographie est représentée par des
courbes de niveau. Les symboles topographiques des cartes sont les mêmes que
ceux utilisés par les cartes IGN et concernent les maisons, les ponts, les
cours d’eau, les limites administratives, les bois... Chaque feuille est
accompagnée d’une notice détaillée. La connaissance de la nature des roches
est importante. Les roches influencent la nature des sols et de la végétation
que portent ces derniers. Un sous sol granitique entraîne la formation d’un
sol acide et d’une végétation acidophile (fougère aigle, bruyère calune..).
L’économie de l’eau dépend aussi de la nature du sol et du sous-sol ; un
terrain calcaire est souvent perméable alors qu’un sol sur fond argileux
devient imperméable, facilement chargé d’eau : il est dit hydromorphe.
Un livret explicatif accompagne toujours la carte
géologique.Dans ce livret, l’introduction présente la carte
et précise les relations entre la nature des roches du sous-sol (géologie) et
les régions naturelles, le relief, les cours d’eau… (donc les caractères
géographiques de la région).
L’introduction de la carte de Riom-ès-Montagnes explique
que ce secteur est à la limite de trois régions naturelles. La moitié
sud est
occupée par le massif du Cantal. Cette structure persiste encore mais
sous
forme de buttes témoins, isolées par l’érosion, sur la moitié nord de
la
feuille constituée par les terrains métamorphiques de l’Artense. Enfin,
à l’extrême partie orientale de la carte apparaît l’entablement
basaltique du Cézallier
limité par une falaise sub-verticale de 40 à 80 m de hauteur.
A noter que l’ordre de description des terrains dans les
livrets est inverse de celui de la légende de la carte. Dans cette légende les
terrains sont figurés comme dans une coupe, les plus récents étant en haut et
dans le livret c’est l’histoire géologique qui est décrite et les terrains
sont analysés selon leur ordre de mise en place, donc des plus vieux aux plus
récents.
Le corps principal de chaque livret est constitué par la
description des terrains. Sont ensuite décrits les phénomènes géologiques :
la tectonique ou déformation des roches, le métamorphisme, le plutonisme…Ensuite
est donnée une présentation des ressources du sous-sol : hydrogéologie et
eaux souterraines, substances utiles, gîtes métallifères, occupation du sol,
protection des sites.
Une documentation complémentaire rassemble des
informations diverses : description de sites classiques, itinéraires de
découverte, données chronologiques et pétrographiques sondages,
bibliographie, listes de documents et collections consultables, glossaire.
Des cartes secondaires à plus petite échelle, des profils
géologiques peuvent compléter la carte principale. La carte de Riom n’en
possède pas. En revanche celle de Saint-Flour présente différentes colonnes
stratigraphiques synthétiques et des coupes schématiques très efficaces.
La lecture de la carte doit s’accompagner de l’étude de
la légende. En haut, à gauche de la carte figure la liste des auteurs qui ont
participé à l’élaboration de la carte. La participation effective de chacun
est indiquée sur un carton. Ces géologues cartographes ont parcouru la
totalité de la région en s’intéressant aux localisations qui permettent d’observer
le sous-sol : labour, tranchée, fondation d’ouvrage, falaise… Des travaux
complémentaires tels que les sondages peuvent être réalisés. Ces
observations de terrain sont complétées par l’étude de photographies
aériennes. Les analyses de roches qui permettent de préciser l’âge, la
nature, la composition, la texture, la structure…sont aussi intégrées lors
de la synthèse qui constitue la phase essentielle de construction de la carte.
Il s’agit de rassembler, ordonner et harmoniser les données antérieures
acquises aussi bien sur le terrain qu’en laboratoire.
Le résultat en est la juxtaposition des terrains identifiés
qui constitue la carte. La légende permet cette identification. Elle est
constituée d’une série de petits rectangles coloriés dans les mêmes
teintes que la carte, chacun accompagné d’une abréviation conventionnelle
faite de lettres et de chiffres. Cette notation a pour rôle de faciliter le
repérage lorsque les couleurs trop nombreuses peuvent prêter à confusion.
Chaque rectangle est accompagné d’un texte très court qui précise la
nature et le nom de l’unité cartographiée. Quelques exemples sont
empruntés à la carte de Riom-ès-Montagnes.
Une partie importante du socle est représenté par la
couleur orange clair et le symbole M2n
: c’est un gneiss hétérogène à biotite. Cette roche métamorphique est à
la fois hétérogène à l’échelle de l’échantillon et à l’échelle du
terrain en raison de l’héritage sédimentaire varié qui est à l’origine
de ce gneiss. On parle aussi de paragneiss lorsque les gneiss dérivent de
roches sédimentaires, par opposition aux orthogneiss qui dérivent de roches
plutoniques : granites, syénites, diorites.
Les formations glaciaires sont représentées par Gy. Elles
sont très développées en raison de la situation favorable de la région dans
un hémicycle dessiné par le Cantal, le Cézallier et le Mont-Dore. Aussi les
glaces sont-elles descendues jusqu’à la côte 476 m (Vebret) et même dans la
région de Bort-les-Orgues vers 400m d’altitude, donc en dehors de la carte de
Riom-ès-Montagnes. Le plus souvent la limite correspond à l’altitude de 600
m. Trois types de dépôts ont été identifiés en fonction de leur position :
haute ou de plateau (Gyc), moyenne ou de pente (Gyb) et basse ou de vallée (Gya).
Ces repérages par l’altitudes sont simplement descriptifs et ne doivent pas
conduire à une notion d’âge relatif; en d’autres termes ces dépôts
peuvent être contemporains. Les dépôts sur les plateaux de l’ancien «
icefield » (champ de glaces) ne se raccordent pas à des réservoirs nivéens
et même disparaissent vers les points hauts proches de l’altitude 1100 m.
Pour chaque niveau peuvent être associés les chiffres 1 à 4 : 1 pour les
clapiers, 2 pour les moraines , 3 pour les dépôts fluvioglaciaires et 4 pour
les dépôts limnoglaciaires.
Figure 3. Cartographie d’une partie du Nord-Cantal à
partir de quatre cartes géologiques établies à des dates différentes. Dix
huit ans séparent l’établissement de la plus ancienne et de la plus
récente.
Figure 4. Légende géologique. Pour être
rigoureux, il aurait été nécessaire de reproduire les légendes de chaque
carte de l’assemblage précédent. On s’est limité ici à la légende de la
carte de Riom-ès-Montagnes. Le contenu de chaque carte géologique reflète les
connaissances du moment. Ainsi actuellement les expressions « complexes
conglomératiques », « volcano-sédimentaire » ne sont plus utilisés.
Figure 5. Exemple de cartographie d’une formation
géologique: l’extension des dépôts glaciaires sur la carte de
Riom-ès-Montagnes. La surface occupée par ces dépôts est particulièrement
importante, autant en position haute sur les plateaux (Limon) qu’en position
basse (fond des principales vallées). Ces positions n’impliquent pas un âge
différent. La région de Trizac indique bien le passage continu des glaces d’un
niveau à l’autre. Sur cette carte, le réseau hydrographique peut paraître
étrange. Ainsi la Véronne se dédouble au niveau de Riom et la Rhue emprunte
deux trajets sur une partie de son cours. L’explication est simple. En raison
du colmatage des vallées, bien des rivières ont vu ultérieurement à la
glaciation leur trajet initial dévié. Ainsi la vallée de la Petite Rhue se
prolongeait par Chapsal et Jointy jusqu’à Coindre Haut ; elle rejoignait la
Petite Rhue soit à droite soit à gauche du petit massif occupé par Coindre
Haut. Ce parcours (section avale de l’ancien trajet) a été abandonné par
suite de l’utilisation d’un autre trajet: ici la capture réalisée par un
court affluent de la rive droite de la Véronne. En conséquence le trajet de l’actuelle
Véronne est plus court. A partir du point de capture de la Petite Rhue, la
Véronne a changé de nom au profit de la Petite Rhue. Les cercles jaunes
représentent les secteurs particulièrement affectés par les phénomènes
glaciaires.
Conclusion : Sans que l’on s’en rende compte, la
géologie conditionne notre vie de tous les jours : elle permet de trouver de l’eau
(la vallée de la Sumène est « exportatrice ») et une partie de notre
nourriture car la qualité des sols, donc notre élevage et nos cultures,
dépend de la nature de la roche sous-jacente et de son degré d’altération;
elle conditionne l’aménagement du territoire en tenant compte des risques
naturels ; elle contribue à l’acquisition de substances utiles (diatomites),
de minerais (le charbon dans le sillon houiller). Elle conditionne aussi la
production d’énergie en permettant la construction des barrages
hydroélectriques. Par la diversité des roches du sous-sol, exploitées dans de
nombreuses carrières, la géologie a mis à disposition un matériel varié qui
a conduit aux caractéristiques d’appareillage et de couleur du patrimoine
bâti